Le
nom arabe de ce pays que l'on appelle Algérie est El
Djazaïr, en français les îles, une multitude
d'îles que les évènements historiques ont
transformé pour une part en autant d'horizons virtuels
pour ses habitants ou ex habitants partis les reconstruire mentalement
sur de nombreuses autres rives. La France a été
une "puissance" coloniale étendant ses frontières
atomisées d’un bout à l’autre de la
planète avant de se retracter.
L’Algérie, colonisée puis décolonisée,
a depuis elle aussi éclaté en d’autant d’îles
que ses enfants ont emmené dans leurs valises, perpétuant
une Algérie virtuelle s’étendant des faubourgs
de Paris à la Californie, du Zimbabwe aux plages de Saint-Domingue.
Les îles n’ont de frontière que la mer qui
les sépare et les réunit, dressant les extrêmités
mouvantes d'un territoire immatériel.
Les
allers-retours entre les différentes îles qu'ils
soient mentaux ou physiques sont constants et favorisent la
création de liens durables, les îles deviennent
« ex-îles », autant d'étoiles d'une
galaxie virtuelle et d'un territoire potentiel en perpetuel
devenir..
Electronic
Shadow a été créé il y a maintenant
plus de trois ans sous les signes du métissage et de
l’hybridation, métissage des origines et des cultures,
hybridation de pratiques trans-disciplinaires, création
de nouveaux territoires hybrides entre notre réalité
physique et extensions numériques potentielles par le
biais des medias électroniques.
Les projets d’Electronic Shadow sont basés sur
des propositions nouvelles autour de la notion de territoire
et donc de frontière. Electronic Shadow fonde sa pratique
sur un échange permanent entre une approche conceptuelle
utopique, inventer des possibles dans les voies ouvertes par
les nouveaux medias, et les contraintes, technologiques, industrielles,
et culturelles du réel, en mettant tout en oeuvre pour
que le possible devienne réel.
Le
concept original du 25ème fuseau horaire imaginé
par Electronic Shadow et mis en oeuvre dans plusieurs de ses
projets, remet en question notre perception de l’espace-temps
en proposant de manière réaliste l’intégration
des nouvelles technologies à notre environnement physique,
non pas seulement d’un point de vue technologique, mais
bien d’un point de vue social en créant les fondations
d’un nouveau rapport à la territorialité
et donc d’une nouvelle réalité.
Le
25ème fuseau horaire est celui de l'internet, un nouvel
espace temps d'ubiquité et d'instantanéité,
de mémoire et de création. Il ne correspond pas
à une zone particulière décidée
selon des conventions géographique ou politiques, c'est
un nouvel espace-temps. Il est toutefois possible d'explorer
cet espace virtuel potentiel et infini et c'est d'ailleurs en
l'explorant qu'on le fait exister car il est à la fois
l'expression de la mémoire et la mémoire de l'expression.
Beaucoup
d’entre nous appartiennent aujourd’hui à
cette génération de nouveaux nomades, qui explorent
cet espace en en définissant plus ou moins les contours.
Notre
espace de travail se déplace avec nous tout autour de
nous, les technologies sont portables, le territoire physique
n’impose pas ses limites. A Paris, à Alger, à
Palerme ou Helsinki, tout point de connexion au réseau
offre une ouverture sur ces nouveaux territoires. Dans
cette optique, nous avons réalisé plusieurs modèles
d’espaces hybrides, hybrides entre leur réalité
physique et leur présence sur internet, ou bien partagés
entre plusieurs lieux. Il s’agit de créer un pont
entre un public présent dans un espace, d’exposition
par exemple, et un public présent à travers des
ordinateurs distants dans leur domicile ou ailleurs.
Nous
utilisons souvent la référence à l’eau
et plus particulièrement à la mer, qui est une
métaphore parfaite du flux des informations numériques
et des réseuax comme internet. Ainsi notre installation
V-med pour Méditerranée
Virtuelle, proposait une plongée dans un espace de la
mémoire partagé entre différents lieux
dans le monde.
En utilisant ce vocabulaire, le concept d’île est
fondateur dans notre travail depuis longtemps, notre aventure
en Sicile en est d'ailleurs une parfaite incarnation.
Une
île n’a de frontière que la mer qui l’entoure,
elle est à la fois repliée sur elle-même
et ouverte sur le monde. Cette frontière naturelle induit
une notion de territoire particulière sur ses habitants.
Il
y a aussi la notion de territoire virtuel, l’Algérie
est un territoire devenu virtuel pour tous ceux qui l’ont
quitté, que ce soit pour des raisons historiques, politiques
ou économiques. Pourtant elle existe bien encore dans
leur imaginaire, elle fait partie d’eux au-delà
de la géographie, c'est une des nombreuses préfigurations
des territoires immatériels qui se développent
avec les réseaux, cette installation s'en veut une vibrante
démonstration.